09 décembre 2020

Pour le service des prestations familiales dans le régime CAMTI, ne pas traiter les parents en couple mais vivant séparément à l'identique des couples mariés ou vivant maritalement

Le Haut Commissariat avait également été saisi dans le cadre du refus, opposé par les Caisses Sociales de Monaco (CSM) à une affiliée CAMTI (Sécurité sociale des travailleurs indépendants) résidente monégasque, d’ouvrir droit pour son fils vivant avec elle, aux prestations familiale et maladie, au motif que le père de l’enfant, avec lequel elle entretenait une relation de couple sans pour autant être mariée ni vivre avec lui, était résident en France et pourrait à ce titre ouvrir droit à prestations pour leur enfant commun.

Il faut d’emblée noter que la réforme intervenue en juillet 2020[1] dans le régime CAMTI, outre qu’elle a instauré des prestations familiales pour les travailleurs indépendants qui n’existaient pas auparavant, a essentiellement substitué à l’ancien critère discriminatoire de « chef de foyer », basé sur le sexe de l’affilié, de nouveaux critères neutres d’ouverture des droits pour les enfants, basés sur le lieu de résidence du foyer en articulation avec le lieu de travail du ou des parents. 

Désormais, ouvrent droit, pour les enfants dont ils assument la charge effective et au regard desquels ils ont la qualité d’allocataire, les affiliés du régime qui résident habituellement en Principauté, en Suisse ou dans un Etat membre de l’Espace Economique Européen (EEE) et qui n’ouvrent pas personnellement droit, du chef d’une autre activité professionnelle ou assimilée, à des prestations ayant le même objet auprès d’un autre régime légal de prestations familiales (articles premier et 6 de la Loi n° 1.493). 

La question en l’espèce se posait de savoir comment appliquer les nouvelles dispositions sur les conditions de dévolution de la qualité d’allocataire[2], lesquelles distingue le cas des enfants vivants sous le toit de leurs deux parents (enfants des couples mariés ou vivant maritalement et enfants en résidence alternée) et le cas des enfants vivant exclusivement sous le toit d’un de leurs parents (notamment à la suite d’une dissolution du foyer par décès de l’un des parents, divorce ou séparation de corps ou en cas de séparation de fait), à la situation de deux personnes non mariées, entretenant une relation de couple autour d’un enfant commun mais sans vivre ensemble.

Les CSM pour leur part considéraient que dans la mesure où il existait dans cette situation une communauté d’intérêts affectifs et matériels, tant vis-à-vis de l’enfant que de l’autre parent, il était justifié de considérer qu’ils ne formaient qu’un seul et même foyer pour les besoins du service des allocations familiales et qu’en tant que couple non cohabitant mais formant moralement « famille » autour d’un enfant, ils devaient être traités à l’identique des couples mariés ou vivant maritalement, ce qui conduisait à écarter la possibilité que l’affilié CAMTI soit allocataire lorsque l’autre parent réside à l’étranger et travaille dans le pays de son lieu de résidence.

Le Haut Commissariat a pour sa part, considéré, après avoir menée une analyse juridique approfondie en droits européen et monégasque, des notions de foyers et de résidence de l’enfant, que la situation d’un couple ayant choisi de vivre séparément, ne pouvait être assimilée à la situation d’un couple marié ou vivant maritalement pour la détermination des modalités d’ouverture des droits dans le régime CAMTI, puisque cette dernière suppose une communauté de toit entre les intéressés. 

En conséquence de quoi, dans ces cas de figure, certes peu courants mais qui participent d’un phénomène d’évolution des mœurs qu’il convient de ne pas nier dans sa réalité - ce type de relations, tout comme le mariage ou la vie maritale, relevant par principe d’un libre choix des personnes quant à l’organisation et l’orientation qu’elles souhaitent donner à leur vie privée - , le Haut Commissariat a recommandé que ce soit donc bien le lieu de résidence de l’enfant, auprès du parent qui s’en occupe de façon habituelle, qui soit pris en compte pour l’ouverture du droit aux prestations.

[1] Loi n° 1.493 du 8 juillet 2020 instituant un régime de prestations familiales en faveur des travailleurs indépendants.

[2] Cf. Article 1 de l’Ordonnance Souveraine n° 8.200 du 24 juillet 2020 prise en application de la Loi n° 1.493.

Suivi de recommandation

MAJ 10/12/2020

Malgré quelques réserves relatives au fait que cette interprétation des dispositions en vigueur pourrait laisser à penser que les couples mariés seraient traités moins favorablement que les couples en union libre – ce qui n’est pas le cas à notre sens puisqu’au contraire, retenir comme lieu de résidence principale du foyer le lieu de résidence effective de l’enfant auprès du parent qui en assume la charge habituelle, va dans le sens d’une égalité de traitement entre toutes les formes de couples dans tous les cas d’éloignement d’un des parents - le Haut Commissariat se réjouit que les CSM aient finalement entendu suivre sa recommandation.