17 décembre 2019

Exercice en association d’une activité libérale dans un local domanial : facturation d’une redevance complémentaire

Le Haut Commissariat a eu à connaître d’un litige portant sur la « redevance complémentaire d’hébergement » facturée à un professionnel libéral exerçant son activité en association dans un local domanial. Cette redevance complémentaire est par principe appliquée indistinctement à tous les locataires de locaux domaniaux à usage professionnel, qui hébergent dans leur local une personne ou une activité tierce. Dès lors que le droit d’occupation consenti sur un local domanial revêt toujours un caractère strictement personnel, cet hébergement - qui consiste pour le bénéficiaire à obtenir qu’un tiers puisse également utiliser le local pour s’y domicilier et y conduire son activité - ne peut en effet intervenir que par dérogation au bail ou à l’acte d’occupation et nécessite donc par principe l’accord exprès et préalable de l’Administration des Domaines. Celle-ci a pour pratique de n’autoriser un tel hébergement, lorsqu’elle y consent, qu’en contrepartie du paiement par le titulaire du local d’une redevance complémentaire fixée annuellement par ses soins. 

En l’espèce, cette redevance complémentaire était réclamée à un auxiliaire médical qui, après s’être installé dans un local des Domaines et y avoir exercé seul pendant un temps, s’était associé avec un autre praticien de la même discipline. Il avait pour cela dûment sollicité et obtenu les autorisations administratives nécessaires en vue de cette association mais avait omis d’en informer l’Administration des Domaines en qualité de propriétaire des locaux - laquelle, après avoir découvert la situation, lui avait facturé les sommes correspondantes. Ce dernier refusait toutefois de payer en ce qu’il contestait le principe même de ces facturations, qu’il considérait inapplicables à sa situation (s’agissant d’un praticien associé non pas « hébergé » mais dûment autorisé par arrêté ministériel à travailler avec lui dans un lieu d’exercice professionnel commun et participant ainsi directement à l’activité du cabinet et au développement de sa patientèle) et abusives (dès lors que l’activité déployée dans le local demeure la même, le nombre de praticiens y exerçant n’ayant pas vocation à influer sur le loyer convenu aux termes de la convention d’occupation conclue avec l’État). 

Concernant la licéité, au plan général, de cette pratique, il est apparu au Haut Commissariat qu’il était par principe loisible à l’Administration des Domaines, dès lors que nous sommes ici purement en matière de relations contractuelles privées - et faute de dispositions légales ou réglementaires l’interdisant - de subordonner l’autorisation qu’elle consent par dérogation au contrat, au paiement d’un complément de loyer. S’agissant d’un acte de gestion du patrimoine immobilier de l’État, le Haut Commissariat n’a pas estimé devoir porter d’appréciation sur l’opportunité d’une telle pratique, que le Gouvernement justifie par le souci d’éviter que les Nationaux attributaires de locaux domaniaux mis à leur disposition à un loyer modéré pour les besoins de leur activité, puissent trop facilement être tentés de monnayer cet avantage pour en faire bénéficier, souvent contre rémunération supérieure, des non-Nationaux qui n’auraient pas eu vocation à y avoir accès. Tout au plus a-t-il relevé que, si tel était bien l’objectif poursuivi, le montant de la redevance forfaitaire appliquée (de l’ordre de 300€ par mois et par personne ou activité hébergée) apparaissait peu susceptible d’être réellement dissuasif. 

En revanche, la pratique de l’Administration des Domaines ne lui a pas semblé prendre suffisamment en compte la spécificité de la situation des professions libérales, et en particulier des médecins et de certains auxiliaires médicaux comptant parmi les seules professions pour lesquelles la possibilité d’un exercice en association, y compris avec des praticiens étrangers, est formellement prévue et organisée par les textes. 

Cette faculté ayant été expressément aménagée pour permettre de satisfaire sous l’angle des impératifs de santé publique « les besoins de la population locale »*, le Haut Commissariat a observé que les termes des actes d’occupation consentis par l’Administration des Domaines à ces praticiens gagneraient à l’avenir à être adaptés pour intégrer et autoriser d’emblée cette éventualité et ainsi ne pas pénaliser les professionnels qui choisiraient de mettre en œuvre cette capacité règlementaire d’association. 

Ceci paraîtrait d’autant plus légitime que ni les médecins ni les auxiliaires médicaux monégasques - à l’instar d’ailleurs des autres professions libérales - ne sont habilités pour l’heure à exercer à Monaco sous forme de société (autre que de moyens le cas échéant). Aussi, se trouvent-ils injustement pénalisés par rapport à des commerçants installés dans les Domaines au travers d’une société et pouvant, lorsqu’ils souhaitent accueillir un associé supplémentaire dans le cadre de leur activité, le faire par le biais d’une cession de parts ou d’une prise de participation au capital – laquelle, si elle peut également nécessiter par contrat l’agrément préalable de l’Administration des Domaines, ne donne pas lieu par la suite à perception d’un complément de loyer à ce titre. 

C’est pourquoi le Haut Commissariat a estimé devoir appeler, au plan général, le Gouvernement à envisager de ne plus traiter l’association entre professionnels libéraux, en particulier du secteur médical et paramédical, au même titre que l’hébergement par un locataire d’une personne ou d’une activité sans rapport avec l’activité conduite dans les locaux, dans l’optique de mettre un terme à la facturation, dans ces cas de figure, d’une redevance complémentaire. 

À défaut, l’Institution a mis en lumière la nécessité que cette pratique, qui repose pour l’heure uniquement sur un usage interne à l’Administration des Domaines, soit davantage formalisée à des fins de transparence et de prévisibilité pour les professionnels (le formulaire de demande d’hébergement dans un local d’activité disponible en ligne sur le portail internet du Gouvernement Princier ne concernant au demeurant que l’hébergement d’une société par une autre société locataire des Domaines et n’étant absolument pas adapté au cas spécifique de l’association entre professionnels exerçant la même activité, outre qu’il ne fait aucune mention de la contrepartie financière exigée en cas d’autorisation). 

Elle a d’autre part recommandé d’adapter le contenu des dossiers de demande d’autorisation d’exercice en association à soumettre à la Direction de l’Action Sanitaire conformément à la réglementation en vigueur, afin que l’attention des praticiens exerçant dans les Domaines soit expressément appelée sur la nécessité de déclarer également en parallèle leur projet d’association à l’Administration des Domaines, et sur les conséquences financières appelées à en découler

* Cf. notamment : Ordonnance n° 5.766 du 21 mars 2016 relative aux modalités d’association entre médecins, article 4 ; Ordonnance n° 6.902 du 27 avril 2018 relative aux modalités d’association entre masseurs-kinésithérapeutes, article 4.

Suivi de recommandation

Le Gouvernement n’a pour l’heure pas fait retour au Haut Commissariat sur les suites qu’il entendait donner à cette recommandation.